C'est avec une profonde tristesse que nous apprenons le décès de Monsieur Pierre Rolinet.
Pierre Rolinet est né le 4 juin 1922. Il grandit à Allenjoie, petit village du Doubs. Il commence sa carrière professionnelle comme ouvrier aux usines Peugeot.
En 1940, l’usine est transférée à Bordeaux. Pierre ne pense qu’à retourner chez lui. En attendant de trouver une solution pour le retour, il prend un emploi dans une ferme. Il finit par revenir dans sa région et retrouve son emploi à l’usine.
Mais en 1942, les choses se gâtent. Comme de très nombreux français de son âge, il est très fortement invité sous peine de réquisition, à souscrire un contrat de travail en Allemagne. Pour Pierre, c’est hors de question. Son chef accepte de le garder à l’atelier malgré les risques encourus.
En février 1943, le Service du Travail Obligatoire (STO) est instauré. Pierre doit partir en Allemagne. Nouveau refus. Cette fois, son chef ne peut le garder et il perd son emploi. Il simule un faux départ vers l’Allemagne et change d’identité. Il devient Pierre Georges et trouve un poste de surveillant dans un lycée de Glay (Doubs).
Pierre participe alors à la formation d’un groupe de résistance : l’Organisation Civile et Militaire (OCM) Glay.
Le 27 novembre, alors qu’ils convoient des armes, deux camarades de Pierre sont capturés par les Allemands. Les arrestations vont alors se succéder. Le 29, c’est au tour de Pierre. Il est emprisonné à Montbéliard puis à Besançon. Le 1er avril 1944, lui et ses camarades sont transférés à Fresnes pour subir une série d’interrogatoires. Ils sont classés Nacht und Nebel, destinés à disparaitre dans la nuit et le brouillard et déportés le 13 avril 1944 au camp de concentration de Natzweiler. Pierre n’est plus que le matricule 11902.
Les conditions de vie y sont épouvantables. La faim, les coups, le travail de forçat épuisent rapidement Pierre. Malade, il est admis à « l’infirmerie" du camp. En six semaines, il perd 25 kilos. Il ne doit sa survie qu’à la solidarité de ses camarades.
Début septembre, devant l’avance des troupes alliées, le camp est évacué. Pierre est transféré avec ses camarades à Dachau. Il est ensuite transféré au camp annexe d’Allach où il est libéré le 30 avril 1945.
Le 27 mai, il retrouve sa maison qu’il avait quittée le 11 mars 1943. Très affaibli par sa déportation, il a beaucoup de difficultés à reprendre une activité professionnelle. Il part trois mois à Luçon (Vaucluse) en maison de repos.
Le 3 août 1946, Pierre se marie avec Jacqueline. Il reprend ses études afin d’évoluer dans son entreprise. Son épouse est infirmière dans la même usine que Pierre pendant six ans. En 1952, Ils deviennent les heureux parents de Jean-Daniel, leur premier fils. Jacqueline arrête de travailler pour l’élever, puis la famille s’agrandit avec la naissance de Marc en 1955, et d’Etienne en 1957.
Titulaire d’un CAP, Pierre ne cesse d’étudier pour progresser. Il termine sa carrière comme cadre chez Peugeot. Il est le grand-père de neuf petits-enfants et 16 fois arrière-grand-père, une de ses plus grandes fiertés.
A l’heure de la retraite, Pierre décide de consacrer son temps libre à témoigner auprès des jeunes générations, afin que plus jamais les horreurs du passé ne se reproduisent. Inlassablement, et jusqu’à son dernier souffle, il a transmis la mémoire de la Déportation et plus spécialement celle du camp de concentration de Natzweiler et de ses compagnons de misère. Il est de toutes les cérémonies organisées au Struthof.
Très engagé dans le mouvement associatif, Pierre était président de l’Amicale de Natzweiler avant d’en devenir son président d’honneur, membre de la Commission exécutive du Mémorial du Struthof et membre du conseil scientifique du Centre européen du résistant déporté. Il était également vice-président des amis du musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, membre du comité d’administration de l’UNADIF et représentant local du Souvenir Français.
Pierre Rolinet était commandeur de la légion d’honneur, commandeur des palmes académiques, titulaire de la médaille militaire, de la croix de guerre, de la croix du combattant volontaire de la Résistance, de la croix du combattant et de la médaille de la déportation pour faits de résistance. Le square de Brognard (Doubs), son village d’adoption, porte son nom.
L’histoire de Pierre Rolinet et des autres résistants arrêtés en même temps que lui a été retracée dans le livre Frères de misère, paru en 2017 aux Editions du Sekoya.
Il était l’un des tout derniers rescapés français du KL Natzweiler. Ses obsèques auront lieu le 30 avril prochain à 14 h au temple de Dambenois dans le Doubs.
Le Centre européen du résistant déporté présente ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.