Le Gisant, symbole du martyre des déportés

Lorsque vous sortez du bâtiment du Centre européen du résistant déporté (CERD) pour vous diriger vers le camp, la première vue qui frappe, c’est l’aperçu du portail d’entrée du camp. Cependant, avant d’y arriver, il y a sûrement un élément qui attirera votre œil : Le Gisant.

Cette statue en bronze à taille humaine représente le corps décharné d’un déporté décédé. Il est couché sur le dos, main droite sur le cœur et les jambes croisées. Sa bouche et ses yeux sont ouverts, comme pour marquer la souffrance, visible après la mort du déporté.

Léon Boutbien, président de la Commission exécutive en charge de la gestion de la mémoire du camp, reçoit une proposition de don en 1972 d’un gisant initialement prévu pour la faculté de médecine de Strasbourg, et qui doit rendre hommage aux médecins déportés. Entre-temps, sa symbolique est changée pour le faire représenter l’ensemble des déportés. Installé au Struthof à l’entrée du camp, il est inauguré le 24 juin 1973.

Le Gisant est l’œuvre de l’artiste Georges Halbout du Tanney. Ce sculpteur français est né en 1895, à Paris. Il a enseigné à l’Ecole nationale des beaux-arts d’Alger, puis à Caen, d’abord à l’école supérieure des arts appliqués, pour finir à l’école des beaux-arts. Il est nommé officier de l’ordre des Palmes académiques en 1949, puis chevalier de la Légion d’honneur en 1950. Il décède en 1986 à Bourdeilles, en Dordogne. Il est connu principalement pour ses œuvres en bronze.

En 1945, Georges Halbout se trouve à l’hôtel Lutetia, centre d’accueil parisien des déportés de retour des camps. Frappé par la vision de ces « ombres » de vivants, il décide de leurs consacrer une œuvre.

Le gisant est un héritage de l’art médiéval. Ainsi, au Moyen Age, de nombreux nobles se font enterrer dans des tombeaux surmontés d’un gisant les représentant le plus souvent sur le dos, dans une position de repos et paisibles. La différence entre le gisant du Struthof et ses ancêtres médiévaux réside dans cette représentation de la souffrance sur le corps du déporté. Un autre élément qui a pu être emprunté à l’art médiéval est la représentation des jambes croisées. En effet, celle-ci peut faire référence aux jambes croisées du Christ en croix. Cela permet de lier la souffrance du déporté au martyre du Christ, et ainsi de représenter le martyre des déportés morts dans les camps.

Le Gisant a connu plusieurs emplacements. D’abord près de l’entrée du camp, puis dans le bâtiment du Centre européen du résistant déporté, avant de rejoindre son emplacement définitif à l’extérieur, entre le CERD et le camp.

Une copie de ce gisant, voulue par l’Amicale nationale des déportés et familles de disparus de Natzweiler-Struthof et de ses kommandos et par les Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation, est présente sur le monument dédié aux victimes du Konzentrationslager (KL) Natzweiler, au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Ce monument a été inauguré en 2004.

Le gisant est donc un élément important de la politique mémorielle du camp après-guerre, puisqu’il représente près de 17 000 déportés décédés au sein du KL Natzweiler et de ses camps annexes.

Crédit photos : CERD/Aurélie Feix