Andé Maratrat, résistant, déporté Nacht und Nebel au KL Natzweiler, matricule 1882, nous a quittés.

 

C’est avec une profonde tristesse que nous apprenons le décès de Monsieur André Maratrat. 

André est né le 25 juin 1924 à Paris. Il n’a que 16 ans lorsqu’il voit les troupes allemandes défilées dans les rues de la capitale. Jeune militant communiste, n'acceptant pas l’occupation, il intègre la résistance. Avec deux camarades, il collecte des armes pour les résistants étrangers des FTP-M.O.I en particulier, et sans le savoir, pour ceux du groupe Manouchian.

Arrêté à 19 ans

En novembre 1943, les policiers de la Brigade spéciale de la préfecture de Paris lancent une vaste opération visant à démanteler les groupes de résistants communistes de la région parisienne. André est arrêté le 23. Les policiers découvrent une arme cachée au domicile de ses parents où il vit. Conduit à la préfecture, il est interrogé et torturé. Au bout de six jours et six nuits de calvaire, André est remis entre les mains de la Gestapo et interné à la prison du Cherche-Midi. C’est là que les nazis enferment une partie des résistants visés par le décret Nacht und Nebel. A trois reprises, il est sorti de sa cellule pour être à nouveau interrogé. Lors de l’un de ses interrogatoires, un officier SS lui annonce que les actions qu’il a menées contre la force occupante sont synonymes de peine de mort.

Direction le camp de concentration de Natzweiler-Struthof  « l’enfer d’Alsace »

Le matin du 9 mars 1944, il est extrait une dernière fois de sa cellule. André pense que c’est la fin. Les SS lui font rejoindre un groupe d’une quarantaine de détenus. Parmi eux se trouve le général Delestraint, le chef de l’Armée secrète. Les hommes sont embarqués dans des camions et dirigés vers la gare de l’Est. Sous bonne garde, ils montent dans un train qui les emmène vers Strasbourg puis vers la gare de Rothau qui dessert le camp de concentration de Natzweiler-Stuthof en Alsace annexée. A la descente du train, Ils sont accueillis par les SS à coups de manche de pioche et les morsures des chiens. Un camion les monte au camp. Kramer, le commandant du KL Natzweiler, les attend. Il leur tient son discours habituel « Vous êtes entrés par la porte, vous ressortirez par la cheminée… ».
André n'est plus que le matricule 7862. Il est affecté au Kommando de déneigement de la route, commandé par l’un des plus sinistres gardiens SS du camp Ehrmanntraut. Ce dernier frappe à coup de manche d’outil les malheureux qui passent à sa portée. André reçoit un très violent coup sur un avant-bras et le chien du SS lui mord profondément la jambe droite. Faute de soins, la plaie mettra deux ans à se refermer. C’est ainsi qu’André fait connaissance avec l’univers concentrationnaire.

Le camp de Kochem, un camp annexe du KL Natzweiler

Pensant échapper à l’enfer du camp, André se porte volontaire pour aller travailler dans un camp annexe qui vient d’être créé, celui de Kochem en Allemange . Ce sera le plus terrible souvenir de sa déportation. Sur les bords de la Moselle, les déportés doivent aménager un tunnel destiné à accueillir une succursale de BMW. Les conditions de vie et de travail sont épouvantables. Au bout de 26 jours, les SS s’aperçoivent qu’ils ont commis une erreur. En effet, les détenus NN ne doivent pas sortir du camp principal. Les NN de Kochem sont rapatriés au Struthof. En seulement quatre semaines, 10% de l’effectif a disparu. André ne voit rien du voyage de retour. Vaincu par l’épuisement et par la fièvre, il sombre dans le coma. Il ne rejoint le camp que grâce à l’aide de ses camaradesA Natzweiler, l’ambiance a changé. Les revers militaires incitent les SS à se montrer moins brutaux. Willy Behnke, matricule numéro 6, est devenu Lagerälteste, doyen du camp. André lui doit, ainsi qu'à quelques autres, la vie. Il est admis à « l’infirmerie ». Il ne pèse plus que 33 kilos. A sa sortie, il est affecté à des travaux légers jusqu’à l’évacuation du camp en septembre 1944.

Dachau et Allach, les dernières étapes d’un « chemin de croix »

En ce dernier mois de l’été, tous les déportés du KL Natzweiler sont transférés à Dachau. Après son arrivée dans le camp bavarois, André est envoyé à Allach, un camp annexe où les déportés sont, là encore, soumis aux travaux forcés au profit de BMW. C’est dans ce camp qu’André est libéré par les Américains le 30 avril 1945.
Peu de temps après son retour, André rencontre Geneviève qu’il épouse en 1947. En 1952, ils ont un fils. En 1955, il intègre GAN assurances. D’abord simple calculateur, André aimait les chiffres, il gravit les échelons et termine sa carrière comme fondé de pouvoir du groupe.

Transmettre, toujours transmettre

André n’a pas oublié ses camarades disparus dans les camps. Fidèle à leur mémoire, il est de toutes les cérémonies au Struthof. Il consacre une grande partie de son temps à transmettre aux plus jeunes l'histoire et la mémoire de la Résistance et de la Déportation.

En 2020, L’Etat le remercie pour son inlassable engagement en lui remettant les insignes de commandeur dans l’ordre des Palmes académiques.

André Maratrat s’est éteint le 30 janvier. Il était l'un des tout derniers survivants français du KL Natzweiler.

Le Centre européen du résistant déporté adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.